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Scène XI : Dans la prison en 1915. (1 version disponible)

Publié le mercredi 15 octobre 2008.


Chapitre 16.

Décor : identique au précédent. Personnages : Le héros moderne, Bonpain.

Contexte/Mise en scène : Bonpain arrêté pour bagarre va lui aussi remonter en ligne. La discussion s’engage entre les deux hommes. Le héros cherche à convaincre Bonpain qu’il est un homme de 2005.

Texte : Inspiré des dialogues pages 154-155 puis 161 à 170 (scène dynamique et humoristique).

Scène XI

Version proposée par Christophe

Suite de la scène X (même décor). Bonpain fait son apparition à la porte de la pièce.

(Bonpain)- Salut la compagnie !

(Vernay)-…

(Bonpain)- Ben alors quoi caporal, on dit pas bonjour !

(Vernay)- Bonpain ?

(Bonpain)- Ben oui c’est moi ! Honoré Bonpain ! Ma parole, le boche qui t’a flingué t’a enlevé un morceau de cervelle aussi ? Tu ne me reconnais pas ?

(Bonpain)- Je suis sûr que tu te demandes ce que je fous là, s’pas ? Et ben voilà, j’suis au trou. Et oui ! Au trou comme toi caporal…Faut dire que j’me suis conduit comme un con… J’ai fait le coup d’ poing au cantonnement… - Ouais, y en a qui ont commenté ta petite promenade sur le noman’s land. Et d’un ton qui m’a pas plu… - Qu’est-ce que tu veux…j’suis comme ça. Quand on touche à ton honneur, caporal, j’ai l’sang qui s’met à bouillir…C’est plus fort que moi. Enfin, ça m’donne le plaisir de partager ta chouette piaule ! T’as du goût ! C’est gentil chez toi ! I manque plus que des rideaux à fleurs ! Ah sacré caporal ! ça fait plaisir de t’revoir !
- Oh caporal ? Qu’est-ce que t’as ? T’as un drôle d’air ? Ma foi, on jurerait que t’as changé de regard.

(La consience)- C’est maintenant qu’il faut le dire…Vas-y dis-le ! Dis-le !

(Vernay)- Ecoute…Euh...Bonpain.

(La consience)- Allez ! Lâche-toi !

(Vernay)- Je ne suis pas celui que tu crois...

(Bonpain)- Hein ?

(Vernay)- Je ne suis pas ton caporal.

(Bonpain)- Qu’est-ce que tu m’chantes ?

(Vernay)- J’ai son visage, j’ai sa voix. Mais je suis quelqu’un d’autre.

(Bonpain)- A quoi tu joues ? Sans charre, t’es en train de t’foutre de moi ou quoi caporal ?

(Vernay)- Merde Bonpain ! Arrête de m’appeler comme ça. Je ne suis pas ton caporal !

Bonpain prend le temps de le regarder intensément dans les yeux.

(Bonpain)- C’est qu’il a pas l’air de rigoler en plus.

(Vernay)- En fait, je viens d’une autre époque…

(Bonpain)- Quoi ?

(Vernay)- Je ne sais pas comment t’expliquer…Je suis né en 1970 et à cause d’un accident arrivé dans mon époque, je me retrouve là dans la peau de ton caporal...En ce moment, je parle à sa place...Lui, je ne sais pas où il est.

(Bonpain)- Misère ! C’est pas possible…J’y suis…C’est tout ce que t’as trouvé pour couper à la taule et au front ? Tu veux qu’on te prenne pour un dingo ? Hein, c’est ça ?

(Vernay)- Bonpain, je te jure que c’est la vérité.

(Bonpain)- Ça suffit caporal ! Passe la main ! Merde alors, me faire ça à moi ! Après ç’qu’on a vécu ensemble ? Tu peux bien te faire passer pour la reine d’Angleterre aux yeux du major et du capitaine. Tu peux mentir à la France entière si ça t’amuse, mais pas à moi ! Pas à moi Honoré Bonpain ! J’marche pas t’entends !

(Vernay)- Et toi aussi écoute moi ! J’en ai rien à foutre que tu me croies ou pas ! Je ne te connais pas ! J’en ai rien à foutre de ton capitaine et j’en ai rien à foutre de ta guerre ! Ce que je veux c’est me tirer d’ici et revenir à mon époque !

(Bonpain)- Revenir à ton époque…caporal…caporal…C’est pas croyable !…Tu sais après ton coup de folie dans la tranchée, on a trouvé ta lettre. On sait pour Clara et ta petite. C’est terrible. J’peux comprendre que ça te rende maboul…On serait tous comme toi. Mais bien vrai, si c’était pour te voir transformé à ce point, jamais je l’aurais mise dans ton sac !

(Vernay)-Tu ne me crois pas alors ?

(Bonpain)- Comment veux-tu croire à un bobard pareil ? J’sais pas c’que t’as décidemment et avec tout le respect que j’te dois, j’vais te dire : …Tu m’fais d’ la peine… Et puis tu m’emmerdes aussi, si c’est tout ç’que t’as à me dire, j’préfère roupiller. Cette nuit, on repart en ligne. Dors un peu toi aussi, ça te remettra peut-être le ciboulot à l’endroit.

Bonpain se couche. La conscience marche autour de Vernay.

(La conscience)- Il ne nous a pas cru…Pas une seule seconde. Et pourquoi on ne lui a pas craché le morceau ? Lui dire que sa guerre va durer encore trois ans, et qu’il y en aura encore une autre après ?.... Pourquoi ? Parce que jamais il ne nous aurait cru…Personne ne pourra nous croire…Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

Vernay va à la fenêtre de la prison…il contemple la nuit. On entend des coups sourds.

(Vernay)- Bonpain…Bonpain…

(Bonpain)- Quoi ?

(Vernay)- C’est quoi ce bruit ?

(Bonpain)- Tu dérailles décidemment…C’est l’canon, on n’est qu’à 15 bornes du front.

(Vernay)- Le canon…Qu’est ce qu’ils font ?

(Bonpain)- Oh tu m’emmerdes quoi !

(Vernay)-Qu’est-ce qu’ils font, Bonpain ?

(Bonpain) – Mais ils préparent l’offensive bon Dieu !

(Vernay)- L’offensive ?

(Bonpain)- On est le 15 juin demain…On rattaque le 16, t’as oublié…Ah c’est vrai, j’ai oublié qu’tu jouais les loufs ! Allez, dors maintenant.

Bonpain se recouche. Vernay s’assoit et se tient la tête entre les mains…et la conscience s’assoit à côté de lui. Elle dit avant de se prendre la tête dans les mains à son tour…

(Conscience)- Caporal Vernay disparu à Souchez le 16 juin 1915…



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