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Textes pour les essais des acteurs volontaires

Publié le mercredi 26 novembre 2008.


Voici quelques textes que nous avons proposés à nos acteurs volontaires afin qu’ils se testent avec différents personnages dans différents contextes.

Extraits de textes pour les tests acteurs

1. La voix off de Caroline

Scène I

Texte dit par Caroline. Les deux décors sont dans le noir. Sur l’écran vidéo passent des images du Parmelan.

Intonation calme, c’est le début de l’histoire. Attendrissement en parlant de son héros…

- Ça pourrait commencer comme dans les contes, par un « il était une fois ». Mais l’histoire que je vais vous raconter est plus incroyable que le plus incroyable des contes… et pourtant elle est vraie. Personne n’en a sans doute jamais vécue de pareille…Ou alors, c’est un secret vraiment bien gardé !

Cette histoire, c’est l’histoire de celui qui partage ma vie. Je n’ai pas envie de vous dire son nom. Pas tout de suite en tout cas. Appelez-le comme vous voulez… Pourquoi pas « mon héros » ?

L’histoire de mon héros a commencé cet automne, par un bel après-midi d’octobre. Yann et lui étaient partis faire une balade au sommet du Parmelan.

C’est vrai, il faut que je vous dise : Yann, c’est son meilleur ami, notre ami commun en fait, depuis nos études. Yann, c’est un drôle de garçon, un peu fou. Fou de nature, fou d’écologie. Il vit au bout d’un hameau, au bord de la forêt, dans un chalet qu’il a retapé. Il est un peu mystique aussi quand ça le prend… et quand ça le prend, il nous sort ses bouquins et se met à délirer. Mon héros, ça le rend fou ! Ils s’engueulent souvent…, mais ils ne peuvent pas se passer l’un de l’autre. (…)

2.La conscience du héros (extrait du chapitre 17)

Perdue, paniquée…Elle raconte et elle s’exclame.

- Caroline, Yann ! Ne me laissez pas là ! Ne partez pas, je vais crever de froid ici tout seul ! Au moment où j’ai glissé dans ce corps inerte, toute la mémoire m’est revenue. Je me souviens de tout ! De mon nom, de ma vie, de ces dernières heures chez Yann, de notre fuite et de mon malaise ici. Depuis combien de temps suis-je ici sans connaissance ?
- Caroline ? Pourquoi m’as-tu laissé ? Où êtes vous ? Il faut que je les prévienne. Il ne faut pas qu’ils me laissent seul ici. Je suis vivant ! Cette dernière pensée m’a littéralement propulsé dans les airs. Surpris par ce bond prodigieux, je reste comme suspendu. C’est comme si la surprise avait coupé mon élan. Il est là quelques mètres en-dessous de moi. Je comprends pourquoi il m’attirait tant ; c’est moi ! C’est moi qu’il faut que je sauve !

3. Le capitaine

(extrait du chapitre 15, le caporal Vernay est aux arrêts)

Un gradé de 1915. Rigide, calme, dur mais tout de même humain…Lassé par cette terrible offensive. Fait des efforts pour tenir son rang malgré la fatigue et le découragement.

- Caporal Vernay, Vous ne me facilitez pas la tâche. Après votre coup de folie en première ligne j’ai choisi de fermer les yeux… Il marche à présent dans la pièce meublée seulement d’une table rustique encombrée d’un désordre de cartes, de papiers manuscrits et d’un nécessaire d’écriture.
- Mais aujourd’hui ce n’est plus possible. Que vont penser vos hommes si je passe encore l’éponge ? Vous avez des oreilles, vous entendez comme moi les rumeurs de la troupe. Les mains dans le dos, la cigarette aux lèvres, il s’est campé devant la croisée. De temps en temps, il se hausse sans s’en rendre compte sur la pointe de ses pieds, avant de redescendre lentement. Derrière les trois barreaux verticaux, les hommes vont et viennent lentement au soleil.
- L’offensive a commencé depuis un mois, reprend-il, depuis un mois sans répit véritable et sans avancée non plus. Après un long silence pendant lequel nous parviennent les bruits du dehors, il continue :
- Et avec quelles pertes, Seigneur ! C’est un miracle que les hommes acceptent encore d’y retourner. Les boches sont bien enterrés, vous pouvez me croire. A chaque montée en ligne, nos effectifs fondent de façon prodigieuse… et pour quoi ? Pour des gains dérisoires. Je n’en reviens pas moi-même de les voir si las, usés jusqu’à la trame et remonter malgré tout sans plus de récriminations. Après un soupir…
- Mais cela ne durera pas toujours. Surtout si nous nous mettons à vaciller, nous qui les commandons. Il faut tenir les hommes, Vernay, les tenir à tout prix et leur montrer l’exemple ! Puis, s’étant retourné vers moi :
- Je pense, voyez vous, qu’avec un autre que moi, c’était le conseil de guerre qui vous attendait au sortir de cette pièce, et au-delà, qui sait ? Il s’arrête un instant pour examiner le bout rougeoyant de sa cigarette.
- La prison, le peloton peut-être. On fusille assez souvent ces jours, vous savez… pour l’exemple. Du même geste, sans voir, il envoie son mégot rejoindre le précédent dans les cendres de la cheminée.
- Caporal Vernay, je ne suis pas un monstre. Les soldats Bonpain et Thérisse pourront vous le dire ; j’ai été sensible au drame qui vous accable. Je n’ai pas oublié non plus votre conduite devant Arras… Soudain gêné, il coupe court à son monologue et traverse la pièce à grandes enjambées. Puis, ayant ouvert la porte, il interpelle le sergent qui attend dans la cour au bout du couloir. Avant que l’autre n’apparaisse, il se rassoit à sa table et, se plongeant dans ses papiers pour se donner une contenance, il me lance sans un regard :
-  Tâchez de mesurer la chance que je vous donne. Au prochain écart de votre part, vous y aurez droit, et je ne lèverai plus le petit doigt pour vous.

4. Bonpain et Thérisse

Portrait des deux hommes et dialogue enjoué (Chapitre 12)

Au bout de la rue, il aperçoit deux hommes qui lui font signe avec frénésie avant de venir à sa rencontre. A mesure qu’ils approchent, se frayant un passage dans les rangs de ceux qui marchent en sens inverse, il parvient à les détailler. Le premier est grand, immense même. Il a sur les épaules, par-dessus une capote maculée de boue jaune, une peau de mouton qui rend plus large encore sa carrure hors norme. Au milieu d’une barbe noire, carrée, brille un large sourire. Il devine, à mesure qu’il approche, les deux yeux bleus rieurs fixés sur lui. Sa démarche est étrange ; à chaque pas, le buste taillé en armoire s’élève et oscille comiquement de droite à gauche avec régularité, donnant à ce personnage une allure dansante, presque légère en dépit de sa corpulence. (Bonpain) A ses côtés, l’autre a une silhouette fine et menue. Alors que son voisin tangue à grandes enjambées, comme un bateau sur la mer, il avance, lui, à petit pas souples et rapides. Point de longue barbe sur son visage, mais une moustache bien disciplinée, surmontée d’un nez fin et de deux yeux noirs cerclés de lunettes rondes. Sa mise est soignée malgré les traînées d’argile qui le maculent lui aussi des godillots jusqu’au sommet de son ample béret noir. En parfaite opposition avec son voisin, il donne une impression de calme, de pondération et même de préciosité. (Thérisse) Il les a reconnus au premier coup d’œil. Ils sont depuis des mois ses frères d’armes, depuis des mois ses compagnons les plus chers en ces lieux de souffrance. Arrivés à sa hauteur, comme il doit le faire d’habitude, le géant lui donne une bourrade dans le dos. Il a dû se retenir sans doute mais le coup de patte a suffi à lui faire perdre l’équilibre. Il le rattrape de l’autre main avant qu’il ne s’étale sur le sol luisant de glaise. (Bonpain) - Ben alors quoi, caporal ? Ça fait un moment qu’on te cherche ? Qu’est ce que tu fais là ? Il reste muet, incapable de leur répondre. (Thérisse) - Allez Caporal ! Ne te bile pas, t’es toujours un peu dans les vapes mais ça va te revenir. Le major qui t’a soigné a dit que ton amnésie partirait sûrement comme elle est venue. L’important c’est que tu sois debout. Bonpain et moi, on va bien s’occuper de toi… (Bonpain) - Ah Caporal ! On est bien contents de te revoir sur tes deux guiboles ! s’pas Thérisse ? (Thérisse) - Tu nous a flanqué la trouille, renchérit Thérisse, en lui prenant le bras comme on le fait avec un convalescent. On a bien cru que ce coup là, tu nous faussais compagnie. Il ne répond pas. (Thérisse) - Allez viens, on a une surprise pour fêter ton retour.

Autre portrait (autre dialogue, comique) (chapitre 10)

Thérisse écrit toujours. Dès qu’il peut, le jour, la nuit, couché au fond d’un abri, ou s’il le faut, debout dans une tranchée, il écrit. Les types de l’escouade ont cessé de se moquer de lui, et de lui parler de sa fiancée. Thérisse n’en a pas. Du moins pas que l’on sache. Non, Thérisse écrit à ses parents. « Ses vieux » dit-il dans un sourire gêné, pour prendre un peu de distance. Ses vieux à qui il se raccroche et qui s’accrochent à lui. A croire qu’ils n’ont que lui et que lui n’a qu’eux. Deux petites personnes aux traits doux qui sourient sur la photo, se tenant gentiment devant la maison de famille. Quel que soit le lieu ou les circonstances, Thérisse déballe sa photo et son papier à lettre, et avec des soupirs qui lui échappent parfois, tandis qu’il écrit, il les retrouve et leur parle pour quelques instants par delà la distance et l’horreur. A côté de Bonpain, ce colosse qui braille et qui s’agite, la silhouette de Thérisse, si jeune, si fragile, en tête à tête avec sa petite photo, a quelque chose de poignant, de pathétique. Non, à l’escouade maintenant qu’on le connaît, plus personne n’a envie de se moquer. Si on pouvait, on le renverrait d’où il vient, pour qu’il les retrouve, ses parents, et que tous les trois ne souffrent plus. On le ferait tout de suite, même s’il devait prendre notre tour. En tout cas, c’est ce qu’on se dit quand on le voit ainsi, recroquevillé dans son coin, accroché à son papier à lettre, tel un naufragé agrippé à son bout de bois.

-  (Bonpain) Ça y est, il revient à lui… Va voir si le major est encore là.
-  (Térisse) Te fatigue pas va, il a déjà décampé.
-  (B)Quel dégonflé ! Tu risques pas d’ le voir prendre racine ici, c’te manche à poils…
-  (T) T’as vu comme y sursautait tout à l’heure. On l’aurait dit monté sur ressort !
-  (B)Ça fanfaronne à l’abri dans son PS, et ça t’gueule dessus, la scie à la main : « Serrez les dents nom de Dieu, vous n’êtes qu’une gonzesse ! ». Mais dès qu’ça s’rapproche du feu, ça s’fait tout p’tit, ça rase les murs et ça met les bouts dès qu’ça peut !
-  (T)Tu parles d’une engeance…
-  (B)Ouais…Une vraie bête puante.

5. Le héros plongé en 1915 discussion avec Bonpain

Scène émouvante la veille de l’attaque (Chapitre 26)

(Héros) - Et les Allemands que j’ai tués ? Ca s’est passé comment ? Bonpain ne répond pas, il me presse à nouveau l’épaule. (Bonpain) - Allez, j’ sais à quoi tu penses. Mais t’es pas un salaud, tu sais. Pas plus salaud qu’ tous les types que tu vois passer là dans la tranchée. Moi aussi j’en ai dézingué des boches. Pourtant, tu sais, dans la vie, y a pas plus gentil que moi. C’est vrai, j’ai l’air costaud comme ça, mais j’ferais pas d’mal à une mouche, juré ! Il crache par terre comme un gamin pour renforcer son affirmation. Je ne peux m’empêcher de sourire. Il continue : (B)- Non, t’es comme tout le monde. On t’a mis un fusil dans les mains et on t’as forcé à aller te battre contre ceux d’en face. A partir de là, c’est eux ou nous. Il s’arrête et soupire. J’imagine les images qui défilent devant ses yeux. (B)- Non, le pire, c’est qu’à bien y réfléchir, en face, ça a beau être des boches et i’s ont beau être chez nous, quand t’en tiens un au bout d’ ta baïonnette, tu t’rends compte que ces mecs, ils sont tout comme nous. A nouveau, son regard se perd dans le vague. (B)- Ouais, Caporal, c’est vraiment dégueulasse ce qu’on nous a obligé à devenir ! Après un long silence ponctué par des coups de canons et le raclement monotone des godillots derrière la toile, je demande : (H)- Et Clara ? (B)- Clara ? répète Bonpain soudain mal à l’aise. (H)- Ton caporal, est-ce qu’il t’en parlait ? (B)- Tu rigoles ? Y a pas plus secret que toi. Enfin, que lui si tu préfères. On le voyait lire des lettres et en écrire. Il nous a montré ses photos au début, comme tout le monde. Mais bon, tu sais ce que c’est qu’ la pudeur, c’est pas parce qu’on parle le moins qu’on aime pas. Et puis, il était trop fier, il voulait pas montrer qu’il souffrait comme nous tous. Soudain, je vois son menton trembler et ses yeux se mouiller. (B)- Et puis… Et puis il a reçu c’te putain d’ lettre…d’un coup ça l’a rendu fou… Il a sauté le parapet… Et d’une voix étranglée, il ajoute : (B)- Pauvre Caporal… Il renifle bruyamment et peine à ne pas éclater en sanglots. Il se précipite sur son mouchoir, se mouche, tousse, fait tout ce qu’il peut pour ne pas pleurer devant moi. C’est à mon tour à présent de le prendre par l’épaule. (H)- Allez va, t’en fais pas… C’est à ce moment qu’il craque, d’un coup, et se met à pleurer comme un enfant avec des soubresauts et des cris étranglés. De temps en temps entre des mots incompréhensibles j’entends : (B)- C’est trop triste. C’est trop triste tout ça…

Discussion orageuse dans la prison (chapitre 18)

(H) - Bonpain, une fois pour toute, je ne suis pas le caporal que tu connais. J’ai ses traits, j’ai sa voix, parfois je réagis comme lui, mais là, maintenant, ce n’est pas lui qui te parle. Dans un geste de rage, il avait jeté mon quart à travers la pièce, s’était avancé tout près de mon visage plongeant son regard dans le mien. (B)- A quoi tu joues ? J’veux pas d’ça entre nous, t’entends ? Tu peux jouer les siphonnés devant le major ou le capitaine si ça t’ chante. Si c’est tout c’que t’as trouvé pour te barrer d’ici, libre à toi. Mais t’as pas le droit d’me prendre pour un louf. Pas moi, Honoré Bonpain ! (H) - Ecoute moi bien toi aussi : je ne suis pas ton caporal. Mets toi ça dans le crâne une fois pour toutes ! Je ne sais pas qui tu es, j’en ai rien à foutre de ta guerre, j’en ai rien à foutre de cette taule. J’en ai même rien à foutre que tu me croies ou pas. Je ne suis pas de ton époque ! Tout ce que je veux c’est rentrer chez moi ! Il m’a regardé avec les yeux équarquillés. (B)- T’es pas de mon époque ? Qu’est ce que c’est que cette histoire ? J’ai essayé de me calmer un peu. Puis j’ai tenté de lui expliquer. (H)- Je suis né en 1970 et j’ai eu un accident en 2005 qui m’a fait atterrir dans la peau de ton caporal. Je ne peux pas t’expliquer comment ça se fait, je n’y comprends rien moi même. C’est comme si j’étais remonté dans le temps. Il s’est levé d’un bond en se frappant du poing sur la tête et en criant : (B)« Au fou ! Lâchez les chiens ! » Puis revenant à la charge :
- Et c’est avec un bobard pareil que tu comptes entourlouper le toubib ? Mais t’as aucune chance, mon pauvre vieux ! Si tu veux passer pour un fou, cherche pas des histoires aussi compliquées. Tiens, tu t’ souviens du p’tit bleu de l’escouade à Blanchard ? Lui, quand les torpilles l’ont rendu marteau, il criait, il bavait, il courait tout nu et essayait de s’enterrer vivant avec sa propre pelle-bêche. C’est du théâtre comme ça que tu devrais faire ! Il s’est contorsionné devant moi grimaçant, mimant la folie du bleu dont je ne me souvenais évidemment pas. Il commençait sérieusement à m’insupporter ! Il a fini par se rasseoir avec un « merde alors ! ». Je me suis tu pendant de longues minutes. Je cherchais l’argument décisif qui aurait pu le faire douter. J’ai fini par lui lancer : (H)- Dis moi, Bonpain, ta guerre, tu penses qu’elle finira quand ? (B)- J’en sais rien ! J’m’appelle pas Joffre. (H)- Allez ! Sérieusement, quand vous en parlez entre vous, qu’est ce que vous dites ? Quand est-ce que vous la voyez finir ? Il s’est gratté la tête, puis a consenti à répondre. (B)- J’en sais rien moi. Pourquoi tu poses cette question ? (H)- Devine ? Une ride a soudain barré son front et ses yeux se sont faits plus inquisiteurs. Il avait deviné. (B)- Parce que toi, tu connais la date ?



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