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Evolution de la trame du roman

Publié le mercredi 9 juillet 2008.


Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai eu envie d’écrire un roman, j’ai pris du papier, du temps, mes idées et je me suis mis au travail. Je n’avais pas de fil conducteur, pas de plan. Je pensais que cela me priverait de ma liberté et de ma créativité. J’écrivais au hasard espérant qu’au fil des pages l’histoire se mettrait en place d’elle même.

Il a fallu revenir à la réalité : sans avoir mis en place une trame, même très simple, je ne parvenais à rien écrire de fluide et de cohérent.

Abandonnant cette façon de procéder (et ce premier texte sans "queue ni tête"), je me suis lancé dans l’écriture de "Cabaret Rouge : Midi trente !". Cette fois, l’écriture était précédée de la mise en place d’un fil conducteur. Très simple au début du livre, cette trame est devenue de plus en plus complexe au fil des chapitres et a évolué avec l’arrivée de problèmes de cohérence ou de nouvelles idées.

Je compare l’utilisation de la trame à celle d’une lampe de poche la nuit. Quand j’écris, je sais à peu près où je vais, mais il fait noir et tous les détails m’échappent. Grâce à la trame, j’éclaire mon parcours sur quelques chapitres (3 ou 4 pas plus). Lorsque je passe à l’écriture de ces derniers, je construis la trame pour les chapitres suivants et de proche en proche mon parcours s’éclaircit jusqu’à la fin du livre.

Mais alors qu’en est-il de la spontanéité ? Comme une lampe de poche, la trame vous permet de voir une partie du chemin devant vous, mais vous avez le droit de changer de direction. Ainsi, une fois devant la feuille (ou plutôt l’écran d’ordinateur), l’inspiration l’emporte toujours et souvent la trame mise en place est complètement abandonnée avec l’arrivée d’idées nouvelles.

Je vous propose dans cet article de découvrir la mise en place et l’évolution de la trame de "Cabaret Rouge : Midi trente !" au fur et à mesure de l’écriture.

En fin de page, vous trouverez un document word et un document pdf, plus synthétiques, reprenant cet exposé et pouvant servir comme support à une séquence de cours.

Voici quelques repères chronologiques sur l’écriture du roman :

- Le livre comporte 30 chapitres (je les ai écrits dans l’ordre : du chapitre 1 au chapitre 30).

L’écriture s’est échelonnée sur 36 mois.

Quelques dates :

- Août - septembre 2003 : chapitre 1.

- Automne 2004 : chapitres 2 et 3.

- Février 2004 : chapitre 4.

- Juin 2004 : chapitre 6.

- Septembre 2005 : chapitre 15.

- Novembre 2005 : chapitre 16.

- Juin - juillet 2006 : fin du livre du chapitre 20 au chapitre 30.

Le roman repose sur une double trame :

Une trame liée à l’aspect psychologique du roman : les allers et retours de la conscience de l’homme moderne entre les deux époques, et une trame historique qui permet de faire un tableau de « quelques jours en juin 1915 en Artois » le plus juste possible du point de vue historique.

Evolution de la trame :

- Eté 2003 :

Je commence à écrire à partir d’une idée : mettre un homme moderne dans la peau d’un soldat de 14-18 et voir cette guerre avec son regard et sa mentalité d’aujourd’hui.

Tout commence par un accident de randonnée.


- 1er fil conducteur :

Un accident de randonnée et l’homme moderne se trouve relié avec le soldat de 14-18… Les premiers signes sont des bruits, des sensations puis des visions dans les semaines qui suivent.

Je souhaite que ce livre parle des batailles d’Artois de 1915, aux portes de Lens et d’Arras.

- Ecriture des chapitres 1 à 5.

A cette première trame un peu vague s’ajoute des fils conducteurs secondaires plus précis. Par exemple, lorsque je place mes personnages pour quelques jours dans le chalet de Yann, j’écris une sorte d’emploi du temps pour préciser ce qu’il va leur arriver pendant ce séjour.

Après l’écriture de ces premiers chapitres, je me lance dans la description de deux vies parallèles : celle du héros en 2005 et celle du Caporal VERNAY sur le front d’Artois de février à juin 1915.

Je cherche à relier les vies de ces deux personnages et à les amener à se croiser lors de "blessures communes". Par exemple la blessure à la tête du héros lors de la randonnée correspond à la blessure à la tête du soldat.

Il me faut un canevas très clair car je ne peux plus rien écrire...

Nouveau fil conducteur :

L’homme de 2005 et le soldat de 1915 sont reliés et vivent des parcours parallèles. Les sensations et accidents du soldat ont des répercutions dans la vie de l’homme moderne.

- Le soldat a une blessure à la tête : l’homme moderne tombe de la falaise.

- Le soldat est blessé à la main : une blessure apparaît sur la main de l’homme moderne.

- Le soldat tente de se suicider : une nouvelle blessure à la tête plonge l’homme moderne dans le coma.

- L’homme moderne passe alors physiquement le reste de l’aventure à l’hôpital et en conscience dans le corps du soldat. Il a tout de même la possibilité de faire des allers-retours pour voir ce que font Yann et Caroline lorsque le soldat dort en 1915.

Ce fil conducteur est valable jusqu’en novembre 2004.

Plusieurs problèmes se posent :

. Je dois me renseigner sur le milieu hospitalier. Si je mets mon héros dans un lit d’hôpital, il faut que je connaisse ce milieu. Discussion avec des médecins… Qu’est-ce qu’une rupture d’anévrisme, un coma ? Quels sont les gestes médicaux, les soins à effectuer ?

. Je suis horrifié par cette succession de blessures ! Mon roman ressemble à un long chemin de croix pour mes personnages...

. Je ne sais pas dans quel régiment, ni dans quel épisode de la guerre mettre mon caporal.

. Je pars en quête d’historiques de régiments et de carnets de guerre parlant de la bataille d’Artois.

Cette trame évoluera légèrement au cours de l’écriture. Il n’y aura pas de séjour à l’hôpital...

Juin 2005 : je suis arrivé au chapitre 12.

J’affine la trame :

- La conscience de l’homme moderne est prisonnière du corps du caporal VERNAY.

- L’homme moderne est pendant un temps sans mémoire (il ne sait plus d’où il vient) et il est incapable d’agir dans ce corps que la conscience du caporal VERNAY anime.

- Il ne sait rien non plus du caporal VERNAY qui, taciturne et tourmenté semble avoir des problème avec beaucoup de soldats de son ecouade.

- A ce stade, l’homme moderne découvre la vie en marge du front. Il fait la connaissance de BONPAIN et de THERISSE (les amis du caporal) et essaie de se souvenir d’où il vient.

- L’histoire se passe entièrement en 1915 avec de rares visites en 2005.

Problème : je ne sais pas encore précisément le parcours du soldat. Je ne peux pas encore préciser quand il a été blessé à la tête, ni où. Son régiment m’est inconnu ainsi que le lieu de l’action. J’écris tout de même les textes et je reprendrai l’ensemble plus tard afin d’y placer date et précision de lieu…

(Cela donne lieu à des trames secondaires...) Sur ce document j’essaie d’inscrire le parcours de mes héros dans la chronologie de la bataille d’Artois (dates à droite).

Autre problème : il faut que je fasse recouvrer la mémoire à l’homme moderne (savoir qui il est et d’où il vient, lui apprendre quel est le passé du caporal VERNAY et surtout lui donner la possibilité de prendre les commandes du corps du soldat. Il me paraît en effet très intéressant d’animer un soldat de 1915 avec une conscience d’homme moderne.

Je dois donc imaginer les scènes qui permettront cette évolution.

Trame pour la suite :

- Dans les chapitres à venir l’homme moderne fouillera le sac du caporal et retrouvera ses lettres. Au cours de discussions avec son capitaine et BONPAIN, il finira par savoir qui est VERNAY.
- Il découvrira qu’en situation périlleuse c’est la conscience du soldat qui anime le corps tandis qu’en situation calme c’est la sienne.
- J’envisage de mettre mon soldat "au repos", en prison, pour donner à l’homme moderne le temps de vivre tout cela. La bagarre au cantonnement devient le prétexte à son arrestation.

A ce stade je commence à dresser une trame de plus en plus précise :

- Chapitre 13 : nuit, l’homme moderne fouille le sac du caporal. Découvre une partie de sa vie. Apprend à mouvoir le corps du soldat.

- Chapitre 14 : aube dans le pigeonnier, l’homme moderne continue l’exploration de la vie du soldat. Bagarre dans la cour. Arrestation.

- Chapitre 15 : discussion avec le capitaine. Mis aux arrêts.

- Chapitres 16,17 et 18 : dans sa cellule découvre toute l’histoire du caporal, la pleine possession de ses souvenirs d’homme moderne et dirige parfaitement le corps du soldat. Il est prêt à retourner au front !

Bien sûr, des problèmes concrets subsistent :

Le 17 juillet 2005 je suis au chapitre 13...

Je peine à rassembler les informations indispensables pour décrire le périple de mon héros au coeur de la bataille d’Artois. Toujours aucune date, aucun lieu, pas de numéro de régiment. Pourtant je continue à écrire. A chaque fois qu’une date, un lieu ou une information sur le régiment doit apparaître je dois laisser des blancs... Ainsi à la fin du chapitre 13 le caporal VERNAY doit s’identifier. A ce stade, je choisis un régiment qui pourrait convenir : VERNAY est au 276ème RI. Il dit alors :

- Oh là ! Tout doux ! Range ton Lebel l’ami, je suis le caporal VERNAY de la 2ème escouade à la 23ème compagnie, 5ème bataillon au 276ème . Et le mot de passe c’est « les épis sont mûrs »…

En juin 2006 quand j’aurai enfin trouvé dans quel régiment le mettre, cela deviendra :

- Oh là ! Tout doux ! Range ton Lebel l’ami, je suis le caporal Paul VERNAY de la 2ème escouade à la 23ème compagnie, 3ème bataillon au 159ème. Et le mot de passe c’est « les épis sont mûrs »…

Je croise des historiques de régiments pour trouver celui qui correspondrait le mieux au fil de mon histoire.

Mi décembre 2005 :

Le soldat est toujours au 276ème. J’envisage la suite du livre : le retour du soldat au front et la description de son parcours sur le champ de bataille.

Je choisis de placer mon héros dans le contexte de la deuxième bataille d’Artois au printemps 1915.

Je recherche alors la météo de l’époque (à l’aide de lettres de soldats) pour les quelques jours traversés par mon personnage.

Fil conducteur pour la fin du roman :

- L’église d’Ablain Saint-Nazaire sera le lien matériel entre 1915 et aujourd’hui.
- A ce stade de l’histoire, le héros serait à l’hôpital et le soldat partirait au front creuser un tunnel pour faire sauter une mine le 16 juin du côté de Souchez.
- A 12h30 le 16 juin 1915 la mine sauterait. A 12h30 en 2005 le héros serait opéré et libéré à temps de la vie du soldat.

Cette fin sera abandonnée...

Le 24 avril 2006 :

Je cherche toujours à quel régiment, à quel épisode et à quelles dates précises (mai ou juin 1915 ?) rattacher le soldat. Cela ne m’empêche pas d’écrire les dernières scènes dans la prison et entre autres, la discussion avec BONPAIN du chapitre 18.

Fin mai - début juin 2006 :

La trame des derniers chapitres sur le front est la suivante :

1. Traversée d’un village en ruine.

2. Arrivée à Carency.

3. Une corvée à Ablain Saint-Nazaire. Passage dans l’église.

4. Repos.

5. Retour du régiment en première ligne.

6. Dans les boyaux.

7. Attaque.

8. La nuit - le rêve.

9. La fin.

Et puis, en écrivant les chapitres au fur et à mesure, la trame évolue encore, les différentes parties s’enchaînent et s’ordonnent de façon définitive :

Chap 20 : la marche vers de front.

Chap 21 : Carency.

Chap 22 : le poste de secours.

Chap 23 : repos à Carency - bombardement.

Chap 24 : révélation.

Chap 25 : l’église d’Ablain Saint-Nazaire.

Chap 26 : discussion dans la niche.

Chap 27 : veille de l’attaque.

Chap 28 : l’attaque.

Chap 29 : séparation homme moderne – soldat de 1915.

Chap 30 : épilogue aujourd’hui.

Enfin, au milieu du mois de juin 2006, alors que le dernier chapitre a été écrit, je choisis de faire de VERNAY un chasseur Alpin au 159ème RI. Il faut alors reprendre tous les textes donnant les descriptions des soldats (leur mettre des bérets !) ou donnant des numéros de régiments.


Evolution de la trame de "cabaret Rouge : Midi trente !"

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