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Enterrement d’un soldat français mort en héros

Publié le lundi 28 juillet 2008.


Ce texte est tiré du chapitre 16. Mis aux arrêts, le héros suit derrière les barreaux de la cave où il est détenu, l’enterrement dans le pré voisin d’un homme de son escouade. Cette description est inspirée de textes de témoins décrivant ce genre de scènes et de photographies d’enterrements à Carency en juin 1915.
Ils sont arrivés en silence, en une longue et lugubre colonne là-bas, entre les troncs des hauts peupliers, sans un bruit, sans un mot, dans la seule rumeur des feuilles frémissantes sous la brise. En tête s’avance un prêtre ou un aumônier militaire. Il tient dans ses mains un bréviaire et récite une prière. Il a revêtu une étole sur son uniforme. Il est suivi par la procession de soldats. Ils avancent, graves, la plupart tête nue, le regard perdu dans l’herbe dense du pré qu’ils remplissent peu à peu. Les six premiers portent le cercueil. Un cercueil de bois clair, d’une simplicité extrême. Six planches, rien de plus… la théorie s’arrête au bord d’une fosse qu’ont achevée de creuser trois gaillards en manches de chemises, les bretelles tombantes le long des cuisses. Le cercueil posé au bord du trou, les hommes font cercle autour. Dans le bruissement des feuilles que le vent chahute, la cérémonie commence. De loin, je reconnais le capitaine qui sort d’un groupe de quelques gradés. Ses yeux allant du cercueil aux poilus assemblés devant lui, il parle, fait des gestes amples et montre l’horizon là bas, d’où nous parviennent par moment de sourds grondements. Je ne peux percevoir aucun de ses mots, pourtant son attitude me les fait deviner. J’ai encore dans l’oreille les accents de ses phrases qui résonnent. Je sais qu’il parle d’honneur, qu’il parle d’exemple et de courage. Et je sais aussi pour qui sont ces paroles. J’ai immédiatement reconnu ceux qui portaient le corps. Allant du même pas, courbés par la charge, le visage fermé, il y avait Hisrch, Lacombe et d’autres, avec qui je me suis battu ce matin. Ainsi donc, devant moi, au bout de ce pré, c’est Mercier qu’on est en train de descendre dans la terre. L’aumônier s’est approché du trou et parle à son tour, longuement. Enfin, il adresse à celui qui gît en bas, un grand signe de croix tandis que, dans le groupe, des soldats se signent. C’est Hirsch qui plante la croix à la tête de la fosse. Les trois gaillards qui s’étaient écartés un moment reviennent, armés de pelles et rapidement, tout à leur besogne, ils font glisser la terre au fond de la tombe. Les soldats s’en sont allés, mornes, derrière les troncs des grands peupliers. Là- bas, dans l’herbe verte qui ondule en palissant sous les rafales, ne reste qu’un petit tertre sombre surmonté d’un croix. Hirsch, avant de s’en aller, y a planté en son centre, goulot vers le bas, une bouteille contenant un message. Les trois fossoyeurs se sont partagé un bidon de vin sorti d’une musette, puis ils ont repris leur pelle et entament une nouvelle fosse, à un mètre de celle qu’ils viennent de combler. C’est alors que je remarque que tout autour d’eux, s’étendent des tertres identiques. Des tertres par dizaines, garnis de petites croix semblables…

Enterrement d’un soldat français.

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