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Carnets de guerre et lettres

Publié le mercredi 23 juillet 2008.


Si les historiques de régiments permettent d’avoir une vision d’ensemble du parcours d’un régiment avec des dates précises, les carnets de guerre et les lettres de soldats donnent une vision de la guerre du point de vue des hommes. Ces témoignages donnent des détails sur la vie au jour le jour dans les tranchées ou au repos. Quand ils ont échappé à la censure ou à la nécessité de masquer la triste réalité aux familles (c’est le cas des carnets) ces témoignages font état des peurs, des désespoirs, des envies de révolte de ces combattants. Ils donnent aussi une vision réaliste et terrifiante des conditions de combat, loin des envolées lyriques des bulletins officiels et de la version édulcorée et valorisante des historiques de régiments. Ils constituent donc une ressource extraordinaire pour qui veut connaître ou restituer une tranche de vie de Poilus au sein de la Grande Guerre.

Dans la suite de cette page je vous propose de découvrir les principaux documents (carnets de guerre ou recueils de lettres) utilisés lors de l’écriture de mon roman.

Carnets de guerre.

« Les carnets de guerre de Louis BARTHAS, tonnelier 1914-1918 ». Actes et mémoires du peuple, éditions La Découverte, 552 pages.

Louis BARTHAS, tonnelier à Peyriac dans le Minervois, est mobilisé au 80ème RI comme caporal à l’âge de 35 ans.

Ses carnets écrits au jour le jour racontent sa guerre d’août 1914 à février 1919. Un témoignage sans fard, sans concession, souvent très critique vis-à-vis des absurdités du commandement. Une mine de renseignements sur la vie au front (les bombardements, la mort des amis, la chance, les corvées, etc…) ou au cantonnement (nuits dans les granges, sous la pluie, la cuisine, etc…). Une richesse exceptionnelle ! La bataille d’Artois est évoquée des pages 85 à 237.

« Carnets de guerre de Pierre PASQUIER, caporal au 97ème Régiment d’Infanterie Alpine ». De Mino FAITA, éditions de l’Astronome.

Pierre PASQUIER est marié, père de deux enfants et âgé de 32 ans lorsqu’il est mobilisé. Conseiller municipal à Saint-Jean de Maurienne, il est incorporé dans un premier temps au 97ème régiment de chasseurs alpins. Affecté au train de combat, il ne se bat pas, mais assure la liaison permanente entre son régiment et l’arrière. Il est en contact avec le 97ème et le 159ème.

Ce livre est un tableau des coulisses du front : le ravitaillement, les ruines, la récupération des cadavres, les préparatifs d’une offensive, etc… Il permet de décrire très précisément le front tel que le découvraient les soldats arrivant du cantonnement. La bataille d’Artois est évoquée des pages 9 à 75.

« 1914-1918, quatre années sur le front , carnet d’un combattant ». De Paul TUFFREAU, éditions Imago, 240 pages.

Paul TUFFREAU, jeune normalien est mobilisé en 1914, à 27 ans, dans le 246ème RI comme sous-lieutenant commandant une section de mitrailleuses.

Son carnet est tenu au jour le jour avec des extraits parfois très courts les jours calmes et des textes beaucoup plus longs lors d’attaques. Les descriptions d’attaques parmi les coquelicots ou dans les champs de colza, ainsi que les bombardements des tranchées en Artois sont extraordinaires. On découvre également la « vie » dans le Boyau International évoqué par BARBUSSE dans « le Feu » et sur les pentes de la côte 119 au lendemain de l’attaque française du 16 juin 1915. Le livre est agrémenté de relevés topographiques pour l’emplacement des mitrailleuses. A la page 106 on peut ainsi découvrir un plan précis du secteur Carency - Ablain Saint-Nazaire le 20 mai 1915. La bataille d’Artois est évoquée des pages 75 à 105.

• Carnets de campagne 14-18 du commandant Jean Maurice ADDE. Mis en ligne sur Internet.

Commandant au 142ème régiment territorial d’infanterie.

La 2ème bataille d’Artois vécue jour par jour au voisinage immédiat de la ligne de feu.

• Journal de Pierre Emile MENETRIER. Mis en ligne sur Internet.

Sous-lieutenant au 97ème RI lors de la bataille d’Artois.

Journal captivant, enrichi de photographies et de dessins de l’auteur dont une photographie des ruines du Cabaret Rouge aux premières heures des combats ( !). On y découvre la « percée » les 3 ou 4 premières heures de la seconde bataille d’Artois le 9 mai 1915, le désarroi puis la réaction des Allemands. Un témoignage exceptionnel pour qui veut découvrir le début de cette offensive de l’intérieur minute par minute.

« Les carnets de l’aspirant LABY, médecin dans les tranchées, 28 juillet 1914 – 14 juillet 1919 ». De Lucien LABY, éditions Bayard, 345 pages.

Lucien LABY a 22 ans lorsque la guerre éclate. Il est incorporé avec le grade d’aspirant dans la 56ème division de réserve dans le groupe des brancardiers divisionnaires au titre de médecin auxiliaire. Assez rapidement il demandera à passer dans l’infanterie (au 294ème) afin de pouvoir se distinguer.

Ce livre n’évoque pas la bataille d’Artois. Par contre, il est l’un des rares à présenter la guerre vue d’un poste de secours. Descriptions ahurissantes de soins sous le bombardement, dans le noir, dans la boue. Un style rapide, très vivant, riche d’expressions d’époque et fourmillant de détails de toutes sorte : matériel médical, soins à apporter, cantonnement, effets des obus, des balles, etc… On mesure également à quel point les jours de guerre qui passent modifient la mentalité de Lucien LABY. Les pages évoquant la tentative de reprise du fort de Douaumont à Verdun en mai 1916 sont effrayantes ! Le livre comporte de nombreux dessins de Lucien LABY faits sur le front. Ils sont d’une finesse et d’une modernité étonnantes.

"Ceux de 14". De Maurice GENEVOIX, éditions Points, 781 pages.

Ce livre extraordinaire est présenté comme un roman mais il est bien le récit de la vie d’une escouade (du 106ème RI) au jour le jour de la mobilisation jusqu’au printemps 1915 quand Maurice GENEVOIX, suite à une blessure, est démobilisé. Ce livre n’évoque pas la bataille d’Artois, mais le vocabulaire utilisé est considéré comme le plus fidèle à ce qu’il était dans les tranchées à l’époque. On y découvre les toutes premières tranchées françaises, les nuits effrayantes dans le noir absolu. Les portraits de soldats sont savoureux. La fin du livre lorsque les hommes du 106ème tentent de garder des entonnoirs de mines aux Eparges sous les obus allemands est terrible.

« Un médecin au front de 1914 à 1918 ou l’incroyable destin ». De Claire FOURNEL et Stéphane MUZELLE, éditions Alan Sutton, 320 pages.

• «  Ma grande guerre – récit et dessins ». De Gaston LAVY, éditions Larousse.

Ce livre est une reproduction du manuscrit de Gaston LAVY conservé au Musée d’histoire contemporaine. Gaston LAVY, est âgé de 39 ans au moment du déclenchement des hostilités. Trop vieux pour se battre, il fait partie de l’armée territoriale qui est chargée d’aménager et d’entretenir le front.

Chaque page est illustrée par l’auteur. C’est encore une précieuse source de renseignements sur les coulisses de la guerre. Un des passages les plus extraordinaires est le récit du début de la bataille de Verdun, lorsque LAVY et quelques compagnons fuient dans les bois, la nuit devant les Allemands, avec 60 kg de charge sur les épaules.

« La main coupée ». De Blaise CENDRARS, éd. Folion 435 pages.

Dans ce livre Blaise CENDRARS évoque sa guerre dont une partie se déroule dans le Nord. Dès les premières pages on découvre un récit sur la percée du 9 mai en Artois. (cf. « Contexte historique » - « La deuxième bataille d’Artois »). C’est le seul texte que j’ai trouvé décrivant l’arrivée des soldats français ce jour-là au sommet de la crête de Vimy. Description surréaliste où les compagnons de CENDRARS, après avoir traversé les lignes allemandes, prennent le temps de chasser des lapins et de faire provision de bière sous les obus, avant de retourner sur leurs pas "nettoyer" les tranchées allemandes... Page 18 puis page 115.

Correspondance.

« Les violettes des tranchées, lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre ». Etienne TANTY, éditions Italiques, 606 pages.

Etienne TANTY, jeune universitaire, est incorporé en 1914 au 129ème RI à l’âge de 24 ans. Le livre est une compilation des lettres qu’il a écrites à sa famille entre le 28 juillet 1914 et le 3 octobre 1915. Le livre prend fin au moment de la blessure d’Etienne TANTY lors de l’offensive du 25 septembre 1915 en Artois.

Littéraire, très cultivé, chaque missive d’Etienne TANTY est dense et alterne de longues descriptions du quotidien dans la tranchée et au cantonnement, les rêveries, les souvenirs familiaux, les références philosophiques et littéraires. Pour déjouer la censure, Etienne TANTY a recours au grec (il fait dire à Socrate dans une fausse citation : « nous sommes devant Neuville Saint-Vaast » (62)), à des citations françaises interrompues et à des formules mnémotechniques utilisées à l’école. Plus que dans tout autre livre, on sent monter la peur heure par heure à l’approche des grandes offensives. Un livre très dense, magnifique et émouvant. La bataille d’Artois y est évoquée de la page 427 à la page 552. C’est grâce à ce livre que j’ai pu, par exemple, connaître la météo au jour le jour en juin 1915.

Les lettres de Marcel FERRY. Copies de lettres données par un de ses descendants.

Marcel FERRY est un soldat de métier, gradé au 10ème bataillon de chasseurs à pieds.

Dans les quelques lettres en ma possession il décrit le début de l’offensive d’Artois le 9 mai 1915 jusqu’à sa mort au combat de la Noulette le 19 juin 1915. On découvre la souffrance du soldat au quotidien sur le front d’Artois avant que la bataille commence, l’enthousiasme alors que la ligne semble crevée puis l’horreur des combats vécus de l’intérieur.

Les lettres de Mathurin MEHEUT tirées du livre « Mathurin MEHEUT 1914-1918 des ennemis si proches ». D’Elisabeth et Patrick JUDE aux éditions Ouest-France, 142 pages.

Mathurin MEHEUT est un peintre qui vient d’être révélé au public en 1913 après sa première exposition. Il est incorporé au 136ème RI au début de la guerre après son retour précipité du Japon.

Le livre relate le parcours de Mathurin MEHEUT au cours de la guerre. Il est agrémenté d’extraits de correspondance, de photographies et de nombreux dessins faits sur le vif. La bataille d’Artois y est évoquée de la page 6 à la page 47.

« Paroles de Poilus, lettres de la Grande Guerre ». Sous la direction de Jean-Pierre GUENO et Yves LAPLUME, éditions Historia.

Recueil de lettres de soldats de la Grande Guerre. Livre enrichi de portraits de certains de ces soldats ainsi que d’images d’époque (combats, jouets, caricatures, cartes postales).

Nombreuses lettres chinées dans les brocantes.

Ces lettres proviennent du front d’Artois et de Verdun et sont destinées à la famille restée en Savoie ou Haute-Savoie. Elles sont d’auteurs tous différents, de condition différente et s’adressent à une femme, une sœur, des parents, des enfants. Cette correspondance renseigne beaucoup sur les détails matériels (les colis, les vêtements, la nourriture, les « loisirs »), pratiquement jamais sur les combats ou l’état du front (la censure veille !).

On y mesure, quand il s’agit de lettres écrites aux parents et aux épouses, à quel point les soldats masquent la réalité. On y retrouve parfois des moments clefs (les prémisses de la bataille de Verdun, la veille de l’Armistice, etc…). On y trouve des expressions et des noms de produits d’usage courant de l’époque.

Parmi tous ces documents j’ai une préférence particulière pour deux d’entre eux :

"Les carnets de guerre de Louis BARTHAS" et "Les violettes des Tranchées" d’Etienne TANTY.

Sur les photos suivantes apparaissent ces deux volumes garnis de signets. Sur chaque signet est noté un thème évoqué dans la page et pouvant être utilisé dans le roman.

Dans les documents joints, vous retrouvez la présentation des principaux carnets de guerre et recueils de lettres, ainsi qu’une illustration de l’utilisation d’extraits de carnets pour écrire la description du village ruiné de Carency dans "Cabaret Rouge : Midi trente !".


Mise en parallèle d’un extrait de "Cabaret Rouge : Midi trente !" avec les sources tirées de carnets de guerre.

Présentation des principaux carnets de guerre et recueils de lettres utilisés pour écrire "Cabaret Rouge : Midi trente !".

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