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Le Cabaret Rouge

Publié le mardi 5 août 2008.


Le secteur du Cabaret Rouge a constitué pendant des semaines un endroit très disputé sur le front d’Artois. Le Cabaret Rouge était situé aux portes de Souchez encore aux mains des Allemands après l’offensive de mai-juin 1915. Il était posé en bordure de la route de Béthune, route qui constituait la ligne de séparation entre les deux armées pendant tout l’été. Le Cabaret Rouge ne fut véritablement récupéré qu’à l’automne 1915, au terme de la troisième bataille d’Artois.

Mais le Cabaret Rouge, qu’est-ce que c’était ?

Je vous livre ici quelques explications...

Quand on sort de Souchez, en direction de Neuville Saint-Vaast, on trouve dans un virage, à droite de la route, une auberge intitulée : "Auberge du Cabaret Rouge". Avec émotion on se dit : "c’était là !". Mais en consultant les cartes de l’époque ou en interrogeant les propriétaires de l’auberge, on réalise que le Cabaret Rouge était situé en face, du côté gauche de la route, là où s’élève un bouquet d’arbres.

Sur la photo qui suit, l’emplacement exact du Cabaret Rouge est dans le petit bois, l’auberge actuelle est à droite (pilastre blanc). Juillet 2006.

En longeant le bosquet, on aperçoit depuis la route, un terrain tout en longueur, bosselé, au milieu duquel (oh miracle !), s’élève encore un pan de mur de briques rouges. Le Cabaret Rouge !!!

Premier doute : les linteaux de fenêtres sont faits de rails. Ce n’était pas vraiment la technique en vogue au XIX ème siècle.

Deuxième doute en relisant la description du lieu faite par BARBUSSE en octobre 1915 :

" Le Cabaret Rouge. Il n’en reste rien. On montre comme une curiosité un reste de plancher, (...) les décombres entassés là sont rougeâtres comme la brique dont était faite la maison, lorsque maison il y avait."

Conclusion : ces murs ont été montés après la guerre (avec des rails récupérés sur le champ de bataille...).

En fait, ces murs correspondraient aux restes d’une maison construite en 1919 par un ancien soldat de l’armée britannique marié à une française. Le couple avait ouvert là un café portant l’enseigne : "Au Cabaret Rouge". Presque au même moment, le vrai propriétaire du "Cabaret Rouge", voyant son terrain occupé à son retour après la guerre, ouvrait en face un café baptisé : " Aux anciens du Cabaret Rouge".

Du Cabaret Rouge d’avant guerre, il ne reste aujourd’hui que l’entrée de la cave. Peut-être s’agit-il de l’excavation qui apparaît sous la demi-lune au fond du terrain sur la photo précédente.

Et maintenant, pourquoi le nom de "Cabaret Rouge" ?

Tout d’abord dans le Nord de la France, le mot "Cabaret" désignait un estaminet, un bistrot et non un établissement de spectacle.

" C’était... sur le bord de la route, une maison en brique et deux bâtiments bas, à côté", d’après BARBUSSE.

Une autre source parle d’une maison composée d’un simple rez-de-chaussée, sans étage, isolée et à plusieurs centaines de mètres de tout autre habitation.

(Quand je présente mon roman, le titre "Cabaret Rouge : Midi trente !" fait parfois froncer les sourcils..."Cabaret Rouge ? ce n’est pas cochon au moins ?"... et m’a valu la surprise de voir mon livre rangé au rayon littérature érotique à la Fnac d’Annecy !)

Mais pourquoi "Cabaret Rouge" ?

L’explication la plus simple est la suivante : cette couleur correspond à la couleur des briques dont était faite la maison.

Une autre, plus inattendue, plus tragique, dit que le Cabaret Rouge s’appelle ainsi depuis que son propriétaire a été retrouvé assassiné dans sa cave à la fin du XIXème siècle. Un meutre lié à une affaire de contrebande.

Une dernière version parle cette fois du double meurtre des propriétaires, un homme et une femme âgés de 75 ans, le 9 octobre 1898.

Quelle que soit la version, légère ou dramatique, cet endroit constitue un des endroits les plus émouvants de ce front d’Artois.

Emouvant, parce qu’au bord de cette route, devant cette friche, on imagine les lieux autrefois, avant le cataclysme, comme Poterloo le personnage du "Feu" de BARBUSSE, originaire de Souchez :

"Combien de fois, mon vieux, à la place même où on s’est arrêtés, combien de fois, là, à la bonne femme qui rigolait sur le pas de sa porte, j’ai dit au revoir en m’essuyant la bouche en regardant du côté de Souchez où je rentrais !"

Endroit émouvant aussi parce que pratiquement tous les carnets de guerre de ceux qui se sont battus près de Lens en 1915 parlent du Cabaret Rouge... Un lieu pour eux terrible, épouvantable, où aujourd’hui encore dès que l’on fouille pour un quelconque terrassement, on exhume les restes de soldats disparus.