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Scène XIII : L’attente du déclenchement de l’offensive. (1 version disponible)

Publié le mercredi 15 octobre 2008.


Chapitres 26,27.

Décor : la tranchée le jour.

Contexte/Mise en scène : Bonpain et Vernay passent la journée dans un trou en attendant l’arrivée de leur régiment et des autres troupes d’attaque. Ils échangent leurs derniers mots avant l’attaque. Bonpain reconnait qu’il a à côté de lui un homme de 2005. Prévoir entre deux un monologue (voix off) du héros qui se demandera si demain se sera lui ou Vernay qui fera courir ce corps.

Texte : Tiré des pages 222 à 227.

Scène XIV : L’attaque. Personnages :

Scène XIII

Version proposée par Christophe

La scène de 1915 s’éteint. On entend des bombardements. La lumière revient sur la scène de gauche transformée en abri. On y retrouve Bonpain, Thérisse , Vernay et quelques autres.

(Thérisse)- Et alors ?

(Bonpain)- Et alors, on est allé jusque dans les ruines de l’église et il a déposé son foutu papier.

(Thérisse)- C’était quoi ce papier ? Qu’est-ce qu’il avait écrit dessus ?

(Bonpain)- J’en sais rien. J’ai rien compris. Il a dit que c’était pour sa femme.

(Thérisse)- Pour Clara ? Mais elle est morte !

(Bonpain)- Non c’était pour Caroline.

(Thérisse)- Caroline ?

(Bonpain)- Laisse tomber va ! Tu comprendrais pas. Y débloque j’te dis. On dirait qu’il est devenu fou. J’le reconnais plus.

(Thérisse)- En tout cas ça fait plaisir de vous revoir entiers.

(Bonpain)- Oh tu sais on n’a pas grand mérite. Une fois revenu de notre balade dans l’église, on est allé au PC du 97ème. J’pensais qu’is nous enverraient faire une corvée : creuser des trous ou ramasser des macchabées. Tu parles ! On nous a dit d’ nous planquer bien gentiment pour le restant de la nuit en attendant votre retour en ligne.

(Thérisse)- ça n’a pas trainé, comme tu vois.

(Bonpain)- Ouais on en a plus pour longtemps…

Thérisse se lève précipitamment et quitte l’abri. Vernay est tiré de sa prostration par le mouvement de Thérisse et il s’approche de Bonpain.

(Vernay)- Qu’est-ce qu’il fait ?

(Bonpain)- Il va aux feuillées.

(Vernay) –Où ça ?

(Bonpain)- Aux feuillées…Il a la caque-vite quoi ! Pauvre Thérisse ! Ça l’prend toujours avant l’assaut…

(Vernay)- Dis Bonpain, c’est comment un assaut ?

Bonpain est interloqué.

(Bonpain)- Quoi c’est comment ?

Il regarde les yeux du caporal.

(Bonpain) -Décidemment je ne m’y ferai jamais…

Il hésite à répondre puis il regarde à nouveau les yeux du caporal et se cale avec un soupir…

(Bonpain)- Eh bien un assaut… Comment dire… Dès que les canons vont cesser de tire. On va tous sortir ensemble de la tranchée.

(Vernay)-Et qu’est ce qu’il faudra faire ?

(Bonpain)- Il faudra courir de toutes nos forces, le plus vite possible jusqu’à leur première ligne.

(Vernay) -Et après ?

(Bonpain)- Après, si les artiflots ont bien travaillé il n’y aura peut-être plus de fil, plus de mitrailleuse et peut-être même plus de première ligne. Et les boches qu’on y trouvera encore on n’aura plus qu’à les enfiler à la baïonnette.

(Vernay) - Et si le bombardement n’a pas réussi.

(Bonpain) - Alors, c’est plus simple. Dès qu’on dépassera le nez du parapet la moitié du bataillon va se faire couper en deux par les mitrailleuses. L’autre moitié ira s’emmêler dans leurs putains d’fils et les malheureux qui en réchapperont devront faire le mort en attendant la tombée de la nuit pour revenir ici… Enfin, les boches ne contre-attaquent pas… Il soupire…Ah misère !

(Vernay)- Et…les allemands que j’ai tué…ça s’est passé comment ?

(Bonpain)- Allez, je sais à quoi tu penses…Mais faut pas te faire des idées. T’es pas pire qu’un autre. Regarde moi ; dans l’civil y a pas plus gentil. C’est vrai, juré, j’frais pas d’mal à une mouche…Mais qu’est-ce que tu veux, on nous a mis un fusil dans les mains et à partir de là, c’est eux ou nous…

(Vernay)- C’est trop con ! Quand je pense que dans mon époque les Allemands sont nos meilleurs amis en Europe.

(Bonpain)- Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?

(Vernay)- Je dis qu’à mon époque…

(Bonpain)- C’est pas la peine de répéter ces insanités ! J’veux pas entendre des conneries pareilles ! Jamais !

(Vernay)- C’est pourtant la vérité…Bonpain.

(Bonpain)- Mais tu t’rends compte de c’que tu m’dis ? Après tout le mal qui nous ont fait. Tous ces civils massacrés, ces villes détruites, tous les copains qu’on a déjà laissé…et tout ceux qui vont crever tout à l’heure et nous avec peut-être. Et vous êtes amis des boches à ton époque ? Tu veux que j’te dise caporal. Ceux d’ton époque, i-z-ont pas d’honneur…Non mieux qu’ça c’est des salauds…Ah merde alors !

Vernay ne dis rien mais souris amèrement.

(Bonpain)- Pourquoi tu rigoles ?

(Vernay)- Je rêve ou on dirait que tu me crois enfin quand je te dis que je ne suis pas de ton époque…

(Bonpain)- Non ! Tu m’emmerdes caporal. Ton histoire de fous là, j’voulais bien faire un effort mais si tu m’ dis qu’ vous êtes amis des boches, alors là, j’préfère plus te croire du tout…

(Une voix hors de l’abri)- Heure H moins quinze minutes !

(Bonpain)- Merde, on y est….on y est ! Et Thérisse qui revient pas ! Qu’est-ce qui fout ? Pourvu qu’il ait pas été touché !

(Vernay)- Qu’est –ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je dois faire Bonpain ?

(Bonpain)- Ecoute, caporal…ou qui que tu sois. On va pas monter à l’assaut fâchés…Tiens, j’te donne l’enveloppe.

(Vernay)- L’enveloppe ?

(Bonpain)- Benh tu sais bien quoi…On fait toujours ça avant l’assaut.

(Vernay)- C’est quoi ?

(Bonpain)- C’est pour ma sœur. Au cas où je r’viendrais pas. Jusqu’à présent ça m’a toujours porté chance.

(Vernay)- Ecoute Bonpain…

(Bonpain)- Non laisse, on change rien. Prends la sur toi. Cette fois on est bon…notre artillerie a allongé le tir. Ça va être à nous.

(Une voix hors de l’abri) -Baïonnette au canon !…

(Vernay)- Bonpain…Qu’est-ce que je dois faire ?

(Bonpain)- Mets ta baïonnette au canon bordel ! Alors quoi caporal !

(Vernay)- Bonpain…Je ne suis pas ton caporal…Il est parti pour de bon…Il m’a laissé seul dans son corps…Regarde mes yeux….regarde mes yeux ! J’suis perdu ! Ton caporal Vernay…Il va mourir aujourd’hui. J’le sais ! J’veux pas mourir pas ici ! C’est trop con !

(Bonpain)- Calme toi ! Reste près de moi…reste derrière moi…y t’arrivera rien. C’est quelle heure ?

(Vernay)- Il est midi trente !

(Bonpain)- Alors, c’est l’heure.

(Une voix hors de l’abri)- En avant ! En avant ! C’est pour la France ! (Vernay)- On y va ?

(Bonpain)- Non écoute cet obus qui arrive. Il est pour nous !

Explosion. La scène s’éteint.



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