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La boue, les mouches, les rats...

Publié le samedi 9 août 2008.


La boue.

- Le 4 au soir, ils étaient tous là-haut. Ils y sont restés dans la boue jusqu’aux cuisses pendant 150 heures consécutives.

- Nous causons debout, près d’un monceau de havresacs, tous ceux d’une compagnie d’attaque. Le colonel Boisredon attache ses yeux au tas des havresacs. Ils s’affaissent sur la boue, glissent au fond du boyau, dont la boue les engloutit. Certains s’entrouvrent, laissant couler de pauvres choses : des blancheurs de papiers, des lettres dont l’encre se dilue sous le ruissellement de la pluie. « Vous les ferez ramasser Genevois. Soutenez-les avec des piquets. Mettez un homme pour les garder, on ne peut pas les laisser se noyer comme cela. » « Ceux de 14 », de Maurice GENEVOIS.

- Des cuisiniers enlisés, écroulés en chemin. On les a trouvés dormant dans la boue, à bout de force.

- Les mitrailleuses, déposées sur le haut du talus en paquet, tout dégoulinant de boue. Le sergent à qui la boue arrachait le pantalon et le caleçon… Des semelles arrachées… De l’eau jusqu’aux genoux ou jusqu’aux hanches. Les guitounes s’écroulent toutes, on ne peut pas rester immobile dans les boyaux, car il est impossible de bouger ensuite.

- On vient de passer deux heures avec un camarade, à dégager de la boue le brancardier Dumas. Dumas arrive à moitié mort. La capote de Dumas pèse 35 kg.

- Des hommes se sont noyés. La nuit, quand on met le pied au bord d’un trou d’obus, on est foutu.

- « Je n’étais qu’une terre ». "Les carnets de guerre", d’Henri BARBUSSE.

Il y a 10 cm de boue sur la chaussée qui peut gicler à 5m (montée à VERDUN).

« Le boyau a deux kilomètres de long. Nous allons mettre trois heures pour le parcourir, dans une eau glacée…. Tant que l’eau est fluide, ça va à peu près. Mais bientôt la boue devient épaisse et dépasse les genoux. Bientôt, on en a jusqu’aux cuisses. Parfois quand on tombe dans un trou, jusqu’au ventre. Et puis, c’est tellement glaiseux qu’il faut fournir un véritable effort pour sortir chaque jambe tour à tour… On tire ses genoux avec les mains…Plusieurs s’embourbent jusqu’à la taille. Il y en a qui vont rester là jusqu’à demain matin et qu’on viendra chercher avec des cordes… » Carnets de guerre de Lucien LABY, 4 décembre 1915, à Souain.

En Artois à la fin de l’automne 1915, la pluie s’est mise à tomber sans discontinuer noyant les tranchées et les boyaux, faisant s’écrouler les abris…. Il y eut alors la trêve de la boue. Les soldats des deux camps sortant de leurs tranchées ou s’asseyant sur le parapet pour ne pas se noyer…

Les mouches.

Ah !, ces mouches du charnier de Lorette, qui se répandaient jusqu’à l’arrière du front, quel immonde dégoût elles nous inspiraient. Elles s’insinuaient partout, dans les quarts, les marmites, les gamelles. Bourdonnaient sans cesse autour de nous, butinaient des morts aux vivants et des vivants aux morts. Un obus venait tout près de creuser un trou énorme et déterrer un cadavre qui fut mis en lambeaux, sur lesquelles des milliers de mouches goulues se précipitèrent. Louis BARTHAS (Lorette, Artois, Juin 1915).

Les rats.

« Notre escouade était cantonnée dans une ferme à la lisière du village. Sous le passage couvert reliant la cour à la route, il y avait sur un côté deux loges à cochons vides de locataires où se casa la moitié de l’escouade. L’autre moitié put s’installer sur le dessus autrefois occupé par des lapins et en ce moment par une multitude de rats qui se ruèrent sur nos musettes, ravagèrent nos sacs, venaient même la nuit se promener, se poursuivre, faire la farandole sur nous, nous obligeant à envelopper notre tête dans la couverture au risque de nous suffoquer, afin de protéger notre nez et nos oreilles… » Louis BARTHAS, p. 106 (Artois).

« Je m’y juchais, tout heureux d’avoir une si bonne place, mais le brouhaha d’un cantonnement où deux cents hommes sont entassés pèle-mèle apaisé par degrés, la dernière bougie de joueurs de manille enragés éteinte, ce fut comme un mot d’ordre, un signal : le long du mur, des poutres, du sol, des frottements semblèrent converger vers moi et aussitôt ce furent des grignotements, des petits cris joyeux, des galopades, le long de mes jambes, sur tout mon corps, mon visage ; c’était tous les rats du quartier rassemblés pour leur repas sans doute quotidien. » Louis BARTHAS, p. 278.

Rats à l’hôpital.

Dans la cour d’un hôpital de Verdun, des soldats armés de gourdins défendaient les blessés placés sur leurs brancards dans la cour et sur lesquels les rats se ruaient….

Rats dans les tranchées.

« Ces lieux étaient particulièrement infestés de rats qui venaient suivant leur habitude cambrioler nos musettes et la nuit promener leur museau, leurs pattes et leur queue sur notre figure. On conçoit le dégoût que nous inspirèrent ces détestables rongeurs quand nous nous aperçûmes qu’ils avaient leur domicile dans un cimetière de soldats allemands qui était à proximité. (…) L’emplacement de chaque tombe était taraudé par leurs galeries et l’odeur infecte qui s’échappait de ce cimetière ne laissait aucun doute que ces rats dévoraient ces cadavres. » Louis BARTHAS, p. 352 (Champagne).

« La nuit après se passa sans incidents, mais la nuit était très noire, le vent secouait les fils de fer et les rats y faisaient à travers une farandole effrénée. » Louis BARTHAS (Champagne) 1917, p. 348.



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