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Scène XII : Retour au front. (1 version disponible)

Publié le mercredi 15 octobre 2008.


Chapitres 20,25,26.

Décor : La tranchée la nuit, débarrassée de son mur-rideau.

Personnages : Bonpain et le héros moderne.

Contexte/Mise en scène : Les deux hommes ont marché toute la nuit avec leur barda complet. Le régiment n’est pas là. Discussion : le héros annonce à Bonpain que l’offensive a lieu le lendemain sans oser citer ses sources. Un faisceau balaie le champ de bataille et découvre l’église d’Ablain. Le héros après avoir expliqué son plan à Bonpain décide d’escalader le talus pour aller y déposer un message pour Caroline. La scène se termine alors que les deux hommes escaladent le talus pour disparaître dans la nuit. Extinction de la lumière.

Texte : Inspiré des pages192-193 pour les réactions de Bonpain puis des pages 215 à 218.

Scène XII

Version proposée par Christophe

La scène de 1915 est éclairée et celle de l’époque moderne dans le noir. Le rideau de la prison a glissé et dans un éclairage faible, Bonpain et Vernay marchent dans la nuit.

(Bonpain)- Oh caporal ! La pause…J’en ai soupé d’me trimballer Azor…

Bonpain fait tomber son chargement au sol.

- Regarde moi ce bordel : Un sac de 35 kilos, des musettes pleines à craquer et ce foutu Lebel qui pèse des tonnes. Et en plus, on doit s’taper des kilomètres avec cet attirail de colporteur. Comment veux-tu qu’le biffin il arrive pas épuisé en première ligne. Oh Caporal ? Tu m’écoutes ?

Le caporal est figé. Bonpain se rapproche de lui et lui parle avec plus de douceur.

- ça y est t’es à nouveau dans les vappes ? Caporal, allez…dis moi c’qui s’passe. J’te comprends plus. Ça m’inquiète !

Vernay reste muet avec son sac sur le dos.

(Vernay)- …

(Bonpain)- Et tout à l’heure pourtant, quand on a traversé Carency. Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est comme si t’étais redevenu toi-même. Quand cet obus est arrivé, tu m’as empoigné et tu m’as foutu par terre. Si t’avais pas été là…Je s’rais plus d’ce monde. Et puis, t’avais ce regard…ce regard que je te connais depuis toujours…

Bonpain regarde les yeux de Vernay.

- Merde. On dirait qu’c’est plus tes yeux à nouveau.

Vernay sort de son mutisme.

(Vernay)- T’as pas compris ?

(Bonpain)- Non…J’ai pas compris ! …non j’ai pas compris ! …Explique moi !

(Vernay)- On est deux dans ce corps…Dans le corps de ton caporal. Il y a lui qui reviens parfois comme ça, par surprise, dès qu’il y a un coup dur. C’est comme un réflexe. Et puis à d’autres moments, il y a moi…

(Bonpain)- Toi ?

(Vernay)- Celui qui vient d’une autre époque…

(Bonpain)- Non, non…J’marche pas…

(Vernay)- Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse !

(Bonpain)- Allez, on va pas s’engueuler à nouveau. Pas maintenant juste avant d’arriver au casse-pipe…. Tiens, regarde, avant d’arriver au Cabaret Rouge, on va s’en griller une. Regarde c’est des anglaises. Ça ma coûté cher au cantonnement !

Bonpain tend sa cigarette à Vernay qui reste sans réaction.

(Bonpain)- Ben alors quoi ?

(Vernay)- C’est que…je ne fume pas.

(Bonpain)- Toi, refuser une cibiche ? Alors là c’est complet ! Décidément je n’te reconnais plus !

Bonpain s’arrête net et regarde à nouveau les yeux de Vernay.

(Bonpain)- Misère ! C’est quand même pas possible…ça existe pas des histoires pareilles…

Le canon résonne et la colline de Lorette s’illumine. On aperçoit l’église d’Ablain Saint-Nazaire.

(Bonpain)- ça y est le boche est réveillé. Le v’là qui bombarde la colline de Lorette.

Vernay saisit la manche de Bonpain avec violence en apercevant l’église d’Ablain.

(Vernay)- Bonpain, cette ruine là-bas ! C’est quoi ?

(Bonpain)- Tu dérailles caporal ! C’est l’église d’Ablain. Enfin ce qu’il en reste. Ça aussi tu l’as oublié ?

(Vernay)-C’est incroyable ! Incroyable ! C’est vraiment elle…C’est l’église que j’ai vu sur l’ordinateur de Yann.

(Bonpain)- Tu parles de qui ? C’est qui l’ordonnateur ?

(Vernay)- Laisse tomber ! Cette église ? Il faut que j’y aille !

(Bonpain)- A l’église d’Ablain ? T’es maboul ! Qu’est-ce que tu veux y foutre ? Tu crois qu’on y dit encore la messe ? Tu veux allumer un cierge. Pour sûr les boches vont t’ le moucher illico et toi avec !

Vernay fouille dans son sac à la recherche d’un papier et d’un crayon.

(Bonpain)- Qu’est-ce que tu fous ? Qu’est ce que t’écris ? Oh caporal ?

(Vernay)- T’es bouché décidément ! Je ne suis pas ton caporal !

(Bonpain)- D’accord…Mais qu’est-ce que tu fous quand même ?

(Vernay)- J’écris un mot à ma femme…

(Bonpain)- A Clara ?

(Vernay)-Non à Caroline.

(Bonpain) – Caroline ?

(Vernay)- Laisse tomber Bonpain…Comment on fait pour aller jusqu’à cette église ?

Vernay fait mine de passer au dessus du parapet. Bonpain le retient.

(Bonpain)- Caporal ! caporal ! Arrête tu vas te faire allumer ! ça t’as pas suffit une balle dans la tête ? Merde ! Pourquoi tu veux aller dans cette ruine ?

(Vernay)- Ecoute, tu vois ce paysage, ces tranchées. Dans 90 ans tout ce qu’il restera du front d’ici ce sera cette église. C’est le seul lien qui me reste avec mon époque. C’est là que je laisserai un message pour Caroline.

(Bonpain)- Caporal, je comprends rien à ton histoire ! Mais j’peux pas te laisser faire ça. Tu va te faire descendre. J’vais t’empêcher de faire une connerie.

(Vernay)- Tu crois ça ? Je suis ton supérieur non ? Alors je te donne l’ordre de rester là et de ne plus m’emmerder !

(Bonpain)- Hein ? Quoi ? Un ordre ?

(Vernay)- Parfaitement ! Tu restes là ! Pas bouger !

Vernay escalade le talus…Bonpain resté seul, hésite.

(Bonpain)- Caporal ? Oh ! Sans blague ?

Bonpain finit par escalader la tranchée à son tour.

- Il est marteau…complètement marteau. Nous v’là jolis !!!



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